Se trahir et devoir partir, quitter la scène seul dans un silence assourdissant.
J’ai laissé la poussière se déposer avant de coucher ses
quelques modestes mots par respect. Je ne voulais pas faire partie de la cohue,
dans le brouhaha qui nous submerge et peut
nous faire perdre le nord.
Il est parti. Sa vie s’est retirée telle la marée après l’étal.
Il est parti seul, vraiment seul.
Philip Seymour Hofmann s’est quitté le 2 février dernier. Il
est mort loin du pathos, dans une indicible solitude. Effroyable solitude parce
que les démons peuvent se nourrir de vous, vous vampiriser mais jamais vous
accompagner au sens littéral du terme. Les démons ne peuvent être de bons
compagnons, pas même pour les artistes.
Les éloges n’ont pas tari depuis, c’était un grand
acteur. Homme de théâtre, scénariste,
acteur crevant l’écran, il vibrait tellement fort qu’il nous emmenait ailleurs.
C’était un vrai acteur qui savait incarner les rôles avec véracité, il habitait
ses personnages avec une puissance hors du commun. C’était un grand.
Il crevait l’écran et il a crevé d’une overdose. Non de son
puissant jeu, mais bien de ses démons. Cet homme solaire qui nous transportait
par la puissance de son jeu avait la propension à nourrir tous les excès. Ses
démons étaient de ceux dont on ne revient jamais indemne.
Il n’avait pas de commune mesure, tout était excès chez cet
homme. Son talent sidérant ne l’a pas sauvé de ses penchants délétères. Philip
Seymour Hoffmann abritait l’ombre et la lumière avec une telle fougue! Et si
son jeu nous a maintes fois donné à découvrir la fulgurance de sa
vulnérabilité, nous étions rassérénés par l’éclat de la force intérieure qui
émanait de lui en même temps. Le funambule a chuté. Cette dissonance faisait
tellement partie de lui que d’aucuns assurent que c’était l’essence même de son
talent.
Son art avait quelque chose de troublant car il nous émouvait.
Bien au-delà de la vacuité du star système, ses failles résonnaient en nous. Ses fêlures et ses possibles comme exutoires à nos peurs. Cette proximité pouvait même être troublante.
On pouvait le trouver lourd et solaire, digne et désespéré, pathétique et majestueux,
magnifique et dégoûtant tout à la fois. Au fond, il exhalait notre humanité. C’est
pour cela, qu’au-delà du talent, par la profondeur et véracité de son partage,
c’est l'immense fragilité de notre condition humaine que nous pouvions entrevoir avec acuité à travers
lui. C’est pour cela qu’il nous touchait si subtilement.
Quand j’ai appris sa mort, aussi étrange que cela puisse
paraître, pendant quelques jours j’ai été ébranlée. Il avait le même âge que moi
et j’ai suivi sa carrière avec attention. Il faisait partie de mes repères culturels,
des artistes qui m’ont touchée comme beaucoup d'autres.
Un grand est parti misérable dans une
effroyable solitude. Je voudrais garder de lui le magnifique.
Paix a son âme.
Désolée impossible de trouver le crédit pour cette photo !