jeudi 20 février 2014

Philip Seymour Hofmann ou l’insoutenable langueur de l’être.

Se trahir et devoir partir, quitter la scène seul dans un silence assourdissant.

J’ai laissé la poussière se déposer avant de coucher ses quelques modestes mots par respect. Je ne voulais pas faire partie de la cohue, dans le brouhaha qui nous submerge et  peut nous faire perdre le nord.
Il est parti. Sa vie s’est retirée telle la marée après l’étal. Il est parti seul, vraiment seul.

Philip Seymour Hofmann s’est quitté le 2 février dernier. Il est mort loin du pathos, dans une indicible solitude. Effroyable solitude parce que les démons peuvent se nourrir de vous, vous vampiriser mais jamais vous accompagner au sens littéral du terme. Les démons ne peuvent être de bons compagnons, pas  même pour les artistes.

Les éloges n’ont pas tari depuis, c’était un grand acteur.  Homme de théâtre, scénariste, acteur crevant l’écran, il vibrait tellement fort qu’il nous emmenait ailleurs. C’était un vrai acteur qui savait incarner les rôles avec véracité, il habitait ses personnages avec une puissance hors du commun. C’était un grand.
Il crevait l’écran et il a crevé d’une overdose. Non de son puissant jeu, mais bien de ses démons. Cet homme solaire qui nous transportait par la puissance de son jeu avait la propension à nourrir tous les excès. Ses démons étaient de ceux dont on ne revient jamais indemne.

Il n’avait pas de commune mesure, tout était excès chez cet homme. Son talent sidérant ne l’a pas sauvé de ses penchants délétères. Philip Seymour Hoffmann abritait l’ombre et la lumière avec une telle fougue! Et si son jeu nous a maintes fois donné à découvrir la fulgurance de sa vulnérabilité, nous étions rassérénés par l’éclat de la force intérieure qui émanait de lui en même temps. Le funambule a chuté. Cette dissonance faisait tellement partie de lui que d’aucuns assurent que c’était l’essence même de son talent.

Son art avait quelque chose de troublant car il nous émouvait. Bien au-delà de la vacuité du star système, ses failles résonnaient en nous.  Ses fêlures et ses possibles comme exutoires à nos peurs. Cette proximité pouvait même être troublante. On pouvait le trouver lourd et solaire, digne et désespéré, pathétique et majestueux, magnifique et dégoûtant tout à la fois.  Au fond, il exhalait notre humanité. C’est pour cela, qu’au-delà du talent, par la profondeur et véracité de son partage, c’est l'immense fragilité de notre condition humaine que nous pouvions entrevoir avec acuité à travers lui. C’est  pour cela qu’il nous touchait si subtilement.

Quand j’ai appris sa mort, aussi étrange que cela puisse paraître, pendant quelques jours j’ai été ébranlée. Il avait le même âge que moi et j’ai suivi sa carrière avec attention. Il faisait partie de mes repères culturels, des artistes qui m’ont touchée comme beaucoup d'autres. 


Un grand est parti misérable dans une effroyable solitude. Je voudrais garder de lui le magnifique.
Paix a son âme.
Désolée impossible de trouver le crédit pour cette photo !