lundi 1 septembre 2014

Le photographe, la ville et le temps

De la force du temps, Josias Gob ou la collision architecturale d’une vision temporelle de la ville

Josias Gob, photographe de son état, tel l’artiste qu’il est, nous a déjà offert une palette très complète de ses multiples talents. Photographe de mode captant la beauté des femmes, il a su réveiller le soyeux des  étoffes. Fait assez rare pour être souligné,  il a su également faire vibrer les strates de mines à ciel ouvert en nous présentant une vision captivante du monde industriel. Son style d’exception pour le portrait, que ce soit la magie de l’enfance ou le sérieux de dignitaires, est signe d’une intelligence du cœur. Son approche des figures ‘’corporate’’ est si atypique, qu’on y retrouve une touche presque fashion. Avec son regard inquisiteur, il cultive néanmoins le tact et la délicatesse pour nous révéler l’indicible fragilité de ses modèles, faisant sourdre des profondeurs, un instant de grâce pour capturer leur présence unique.

Un procédé archaïque pour une vision contemporaine

Une nouvelle étape dans la vie de l’artiste, la confrontation au temps qui passe dans une relecture personnelle de la ville. Toute une réflexion étaye sa nouvelle série sur l’architecture. Dans sa démarche, il change de ton, son regard se meut vers un questionnement sur le temps. Il y a superposition, juxtaposition des visions pour celui qui regarde la photo.En un cliché, avec une vitesse lente de prise de vue, le photographe prend le temps d'exposer la première scène à la lumière puis cache manuellement l'objectif et se déplace pour faire une deuxième étape. Il s'agit d'une photo unique, sans utilisation de logiciel de retouche, à une ou multiples expositions. Le procédé ancien permet d'obtenir un cliché unique d'une modernité surprenante. Du grand art.



Chicago et Griffingtown, un air de parenté

On inscrit le passé et le présent pour faire naître un instant les possibles, capturer l’essence même de la mutation d’un quartier, d’une rue : le meltingpot dans toute sa splendeur. Comment souligner l’âme d’un endroit donné à un moment précis ? Comment s’ancrer dans le passé et s’affranchir du présent  pour ébaucher un avenir ? On est dans le poétique très pragmatique, dans le concret visionnaire. Un regard différent, celui de l’artiste.

C’est un portrait de la ville confrontant les édifices en transparence, c’est un carambolage des points de fuite pour être plus dans le présent. Josias Gob travaille la superposition comme un archiviste de la ville, en faisant se côtoyer le temps et l’espace. C’est la rencontre des improbables. C’est une vision puissante qui nous offre une perspective inusitée. On y parle de matériaux, de transparence, de densité, de notre histoire à travers la pierre, le béton, l’acier et le verre. On y témoigne d’hier et d’aujourd’hui. C’est le monde en marche, notre monde, notre ville. Montréal.

Citoyen du monde Josias Gob travaille sur un projet similaire à Toronto et New-York.


Pour en savoir plus sur l'artiste

jeudi 3 juillet 2014

Benoît Aquin invité à la 45ème édition des mythiques Rencontres d’Arles avec une série sur la tragédie de Lac - Mégantic

LAC  MÉGANTIC EXPOSÉ EN ARLES

Benoît Aquin invité à la 45ème édition des mythiques Rencontres d’Arles 
avec une série sur la tragédie de Lac - Mégantic

Le photographe Benoît Aquin expose aux Rencontres d’Arles une série sur la tragédie ferroviaire de Lac Mégantic en juillet 2013. Récipiendaire du prestigieux prix Pictet en 2008 pour sa série Le Dust Bowl chinois, le photographe montréalais a, depuis plus de vingt ans, voyagé sur presque tous les continents afin de témoigner du rapport, souvent conflictuel, de l’humain au territoire. Arles, une invitation emblématique pour un photographe !

Benoît Aquin parcourt le monde depuis 25 ans et rend compte de l’impact de l’environnement sur l’humanité. Régulièrement exposées au Canada, aux États-Unis et en Europe, ses oeuvres figurent parmi plusieurs collections publiques et privées, dont la National Gallery au Canada, le Musée des Beaux-Arts de Montréal et le Musée du Québec.

Les lobbys, le pétrole et les hommes

À l’heure où les lobbys de l’industrie pétrolière s’activent pour faire du Québec une plaque tournante dans le commerce de l’or noir, Aquin s’interroge sur les impacts humains et environnementaux engendrés par les ambitions politiques et économiques justifiant l’exploitation pétrolière. Aux lendemains de l’accident ferroviaire de Lac-Mégantic, le photographe a entrepris d’arpenter patiemment le cœur sinistré de la ville. Au fil d’une série exposant les meurtrissures des lieux et d’existences contaminés, Aquin porte son attention sur la photogénie d’une catastrophe environnementale désormais emblématique de la gestion désinvolte et irresponsable des ressources et des territoires québécois. Son travail accompagne et soutient la mobilisation citoyenne visant à préserver la primauté des intérêts collectifs sur ceux, corporatistes, d’une industrie délinquante puisant ses complices à même la classe politique. La série présente 13 photos de 100 cm X 152 cm.

 Peu d’élus québécois en Arles au fil des ans 
pour ce rendez-vous  incontournable de la photo

Les Rencontres atteignent une audience sans égale (record de fréquentation battu en 2013 avec près de 100 000 visiteurs) et leur renommée est définitivement installée. Les prestigieuses Rencontres d'Arles, l'un des plus importants festivals de photo d'Europe n'ont accueilli que très peu de photographes québécois. Des grands de la photo du Québec tels que Michel Saint-Jean, Serge Emmanuel Jongué, Louis Lussier ou encore Michel Campeau ont précédé Benoît Aquin qui offre ici  une vision saisissante de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic de juillet 2013 dans le cadre d’un rétrospective du Prix Pictet.

Benoît Aquin aux Rencontres d'Arles
Magasin Électrique
7 juillet au 21 septembre
10h - 19h30

Benoît Aquin sera présent en Arles du 7 au 12 juillet.


En attendant le livre sur Lac Mégantic

Far East, Far West, aux éditions du passage, fut le premier livre du photographe. Un livre sur Lac Mégantic chez VU, Centre de diffusion et de production de la photographie est à venir.
Far East, Far West est un album magnifique sur un des plus graves désastres écologiques de notre temps : l’inexorable désertification des terres en Chine, également appelée « Dust Bowl » chinois.

À l’heure où l’environnement constitue un enjeu majeur, l’œuvre d'Aquin apporte un éclairage aussi dramatique qu’esthétique sur les catastrophes naturelles et défis auxquels nous devrons tôt ou tard faire face tout en nous questionnant sur l’essence même de la vie,  l’humain, la nature et nos engagements.






© Benoît Aquin - Revêtement de polymère, extérieur de maison fondu, Lac-Mégantic 2013

 © Benoît Aquin Zone d'exclusion, Lac-Mégantic 2013


Benoît Aquin

mercredi 11 juin 2014

Venise, nos rides, leurs amours et les miennes tout ensemble.

Venise. Cette année, le mois de mars m’a offert le bonheur de vivre quatre jours de soleil, d’art et d’amitié. La Sérénissime m’a dévoilé ses trésors toute en simplicité et authenticité, loin des clichés sirupeux de mauvais goût et du kitsch mercantile.  Parenthèse maritime, pleine de lumière qui m’a permis de souffler, un peu. Effluves marines qui m’ont apaisée, me rappelant la douceur, la fluidité, la force de l’amitié, la chance des rencontres, les cadeaux de la vie.

On porte chacun des fardeaux que nous sommes seuls à brandir au soleil comme des  offrandes à des dieux psychopathes que nous nourrissons à les en faire devenir obèses. Comme si ces valises alourdies de peines obsolètes, gages effroyables et dérisoires du passé étaient garantes de la véracité de nos vies, comme si nos existences dépendaient de ses malheurs petits et grands que nous cultivons avec tant d’ardeur souvent à notre insu. On ne se remet jamais tout à fait des possibles nuls et non avenus.

Je voulais dire que chaque chagrin apporte avec lui la consolation. Cette consolation totale et irrévocable qui nous libère. L’épreuve du feu demeure cependant. Pas de passe-droit, pas d’exception, pas d’échappatoire. Il faut se lancer dans le vide chacun à sa mesure. Il nous faut traverser le feu, affronter le dragon, sauver la princesse. Oui. Mais la consolation est présente. À nous de la cueillir, de la bercer, de la choyer, de lui faire une place dans nos vies, la place de choix. Ce séjour amical à Venise, entre art, mer et soleil fut une place de choix.


Je voulais dire à toutes les femmes que j’ai le bonheur d’avoir côtoyées que, grâce à elles, ma vie est plus pleine, plus rebondie, plus joyeuse, plus sereine et plus douce. Cette sororité a nourri mon adolescence,  inspiré ma vie de jeune femme et je prends conscience maintenant que toutes ces années ce fut un des piliers de ma construction intime, de mon équilibre. Vous êtes chacune pour moi, à votre manière si personnelle, richesse, sécurité, partage et réconfort.

Je ne témoignerai jamais assez de la force que procure une amitié qui défie le temps. Petits cailloux blancs laissés sur nos chemins parfois chaotiques et même ténébreux.  Ces amitiés féminines nourrissent la femme que je suis pour le meilleur.

N’y voyez aucun sexisme. J’aime les hommes et leur compagnie me ravit.  Ici il s’agit plus d’une proximité, une relation de l’ordre de l’intime que je n’ai vécu qu’avec des femmes, jeunes ou moins jeunes tout au long de ma vie. Ce mélange d’espace, de fluidité et de compagnonnage au sens littéral du terme est  une des particularités de l’amitié féminine que je goûte avec  grand bonheur.

Il y a celles qui nous font rire, celles qui exigent de nous le meilleur, celles qui partagent, enrichissent, embellissent, stimulent, ouvrent, offrent, nous font découvrir de nouveaux horizons, nous interpellent, nous aident… avec qui on pleure, on crie, on rit, on va au cinéma, au concert, on critique des livres ou la mode, on construit des châteaux en Espagne, on partage un thé ou des idéaux, on voyage au coin de la rue ou au bout du monde. On partage l’essentiel, un essentiel. Il y a celles qui ont tout compris mais ont du mal à passer à l’acte (comme nous), il y a celles qui sont si différentes de nous que parfois ça nous gêne… mais on aime. On les aime. Parce qu’au fond c’est ça l’amitié. Une histoire d’amour.

Et en amour, il y a aussi des pertes. Il y a de ces amitiés qui s’évanouissent, sans pleurs ni heurts. Juste le temps qui passe, un déménagement, les enfants qui grandissent, le tourbillon de la vie. Nos vies s’éprennent de routes différentes, nos couleurs qui ne s’accordent plus… Cela commence par une sensation d’étrangeté, une petite gêne, un vide minuscule, des incompréhensions affligeantes de non sens. Puis, sans qu’on y prenne garde, on constate que c’est fini. Elle ne nous téléphonera plus trois fois par semaine, on ne lui ramènera plus de cadeau du bout du monde, on ne connaîtra pas son prochain projet. Cette amitié était un cadeau, on doit maintenant accepter le lâcher-prise et respirer, profondément.

Et il y a aussi celles qui partent pour de bon. Celles dont le destin se termine avant le nôtre et dont l’absence sera présente longtemps, trop longtemps. Peut-être jusqu’au bout, notre bout à nous.
Et c’est un chagrin, un grand chagrin. 

Je me souviens des semaines, des mois que j’ai partagés avec mon amie B. pour son grand  départ. Elle était une femme magnifique, pleine de vie, au rire contagieux. Elle était chaleureuse et pleine d’humour, pleine d’amour. Son ouverture au monde m’émerveillait.  Son énergie, son empathie pour les gens me touchaient profondément. Cet accompagnement a été un très grand cadeau pour moi. Partager avec elle son élan de vie, sa rébellion face à la douleur, son cheminement intérieur, son acceptation de la mort, ne fut pas dérisoire. Je me sentais inutile certes.  cependant j’étais là. Nous avons vécu ça ensemble. 

Ce partage a donné une toute autre dimension à notre amitié. J’ai été très privilégiée de pouvoir vivre ça avec elle.

Amitié de prime jeunesse qui perdure avec une verdeur réconfortante ou amitié toute neuve dont on se pare comme d’un collier de fleurs sauvages au printemps, la délicatesse est de mise. On partage les émois, les effrois, nos doutes, nos rides et nos amours. Entre légèreté et profondeur, entre fluidité et encrage, la force de cette sororité est la liberté et le partage.
À mes amies, à mes sœurs d’ici ou d’ailleurs, merci.



Après Venise,  ce projet de voyage ensemble… on part quand ? Pour quelle destination ?

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Peggy Guggenheim Collection Venice
www.guggenheim-venice.it

Palais des Doges
www.palazzoducale.visitmuve.it

La douane de mer
www.venise-tourisme.com/dogana-di-mare

La Biennale de Venise
www.labiennale.org

Marché du Rialto un jour d'aqua alta
www.youtube.com/watch?v=Vcgri0nFw0w

mardi 3 juin 2014

Quatre jours de bonheur à New-York, en mai fais ce qu'il te plaît !

I Love New-York… définitivement.


J'aurais pu partager mes coups de coeur pendant des heures. Mais il faut choisir. S’il est une ville qui peut se visiter à tout moment c’est bien New-York. Quatre jours de bonheur printanier en cette fin de mai, voici ce que je vous propose. Un heureux équilibre entre intensité artistique et flânerie touristique, de quoi ravir vos penchants culturels et votre fièvre acheteuse.

Charles James : Beyond Fashion au Metropolitan Museum of Art

Vendredi après midi, après un rendez-vous d’affaires, la pluie se faisait insistante et nous voici à deux pas du Metropolitan Museum qui était sur la liste des desiderata pour ce séjour pour l’exposition Charles James. J’avoue mon inculture en la matière, cependant c’était le détour taffetas et falbala très chic. Un incontournable semble-t-il !

Depuis 1946 le Costume Institute met à l’honneur au Metropolitan Museum of Art de New_york  les plus grands couturiers et mouvements mode de l’histoire de Alexander McQueen en 2011, Elsa Schiaparelli et Miuccia Prada en 2012, la culture punk en 2013, voilà que Charles James (1906-1978) est mis sous les feux de la rampe. Charles James est considéré comme un des plus grands couturiers américains. L’architecture de ses créations épouse le corps de la femme à la perfection. Lignes épurées ou courbes, c’est du grand art.

Charles James with Model, 1948
Courtesy of The Metropolitan Museum of Art, Photograph by Cecil Beaton. Beaton/Vogue/Condé Nast Archie. Copyrigh  ©Condé Nast
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www.metmuseum.org/exhibitions/listings/2014/charles-james-beyond-fashion

Charles James, 1948. Courtesy of The Metropolitan Museum of Art, Photograph by Cecil Beaton. Beaton/Vogue/Confé Nast Archive. Copyright © Condé Nast


Au MoMa, Gauguin : Metamorphoses  

Beaucoup plus proche de mes centres d’intérêt, à ne pas manquer la petite exposition Gauguin au MoMa (jusqu’au 8 juin !). On y dévoile un des aspects méconnus du travail de Paul Gauguin. On le connait pour sa maîtrise de la peinture mais beaucoup moins pour ses gravures, dessins et sculptures.
Cette exposition se concentre sur des gravures rares et extraordinaires et leur relation à ses peintures les plus connues, sur ses sculptures en bois et en céramique. Composé d'environ 150 oeuvres, dont quelques 120 œuvres sur papier et une sélection de quelques 30 peintures et sculptures connexes. On nous convie au choc irréversible qu’a été son premier voyage à Tahiti et la richesse qui en découlera. Il s’agit de la première exposition à jeter un regard en profondeur sur cet aspect de son travail.  On est moins dans la séduction des couleurs chaudes de ses peintures que dans la perspective de toute son œuvre !

Il Corallo Tratorria dans Soho


Rendez-vous pris pour le déjeuner avec de vrais New-Yorkais grâce à qui nous avons découvert une perle Il Corallo Tratorria dans SoHo. Sans prétention et tout en authenticité, vous y trouverez un vaste menu avec un net penchant pour les mets du nord de l’Italie. L’accueil est sympathique, efficace malgré l’achalandage. C’est simple et savoureux. Loin de la branchitude et de la sophistication criarde que l’on peut expérimenter à NY. Ici, on parle de générosité. On apprécie la fraîcheur des ingrédients, la gentillesse du patron et un rapport qualité-prix inégalé à New-York. Une bonne note pour la qualité des vins. Pour un repas réconfortant et chaleureux !




Il Corallo Tratorria, 176 Prince St, New-York, NY 10012, USA 1 (212) 941.7119

Une bonne adresse de friperie hype 


Le Crossroads trading devient une institution de Portland à Chicago, San Francisco en passant par LA et NY ! On y vend, achète des vêtements d’occasion, des marques   un peu branchouilles, un peu hipster toujours trendy. On y trouve des trucs sympas et de qualité à prix abordables. L’expérience en elle-même vaut le détour. Les vêtements sont rangés par sorte et couleur. Mais pas par taille… il faut avoir du temps. Mais pour être honnête on est souvent dans le Xtra small ou small. On y croise un peu de tout, des articles intéressants et originaux, des chaussures renversantes, sacs hallucinants… Et des gens dignes d’être dans un roman de Paul Auster ! Du jeune mannequin à la vieille excentrique, des bêtes de mode… aux touristes de passage. Très New-Yorkais en fait. A faire si on aime les fringues.


www.facebook.com/crossroadstrading
http://crossroadstrading.com/used-clothes-stores/new-york/flatiron-district-w-26th-

mardi 29 avril 2014

PETER DOIG : NULLE TERRE ÉTRANGÈRE



''Il n'y a pas de terres étrangères. Seul le voyageur est étranger.'' 
Robert Louis Stevenson (1858-1894) écrivain écossais.

Attention, il ne vous reste que quelques jours pour découvrir au Musée des beaux arts de Montréal ce grand peintre contemporain. Voici la première exposition d’envergure qui lui est consacrée en Amérique du Nord !

Après Édimbourg, ville où le peintre est né, c’est maintenant au tour de Montréal, où il a grandi et où il est revenu vivre quelques années au début de sa vie adulte, de recevoir cette riche exposition. Écossais, Peter Doig a grandi à Trinidad et au Canada, ce qui lui a donné une approche toute particulière des couleurs et de la lumière puissante qui se reflète à travers son travail.

Au-delà de la mode, de l’engouement  frénétique  du marché de l’art pour ses œuvres avec  des prix faramineux qui  ont peu rapport avec  la peinture elle-même, Peter  Doig demeure un peintre contemporain de grande envergure.

L’exposition commence avec de grands formats pour se poursuivre avec des études plus resserrées. Ce choix artistique permet au visiteur de vivre une évolution, du choc des toiles immenses, ce qui permet de se laisser immerger par les couleurs intenses, puis de retrouver la même empreinte dans des œuvres de petites dimensions sans pour autant perdre de puissance. Ses toiles sont habitée de lumière. 

Les paysages sont noyés dans la nuit ou dans des halos de lumière. On peut y sentir le bruissement de la nuit tropicale ou l'accablante chaleur des tropiques à midi. Les toiles évoquent des réminiscences, des histoires en suspens, des souvenirs enfouis, en demie teinte. Il me semble un peu déconcertant de savoir qu'il peint souvent à partir de photos, qu'il parte ainsi d'une réalité dont il sait ensuite néanmoins si bien s'éloigner pour nous en restituer toute la puissance si personnelle.

Peintre figuratif, il s’affranchit de cet aspect qui pourrait être limitante par une approche abstraite toute à fait déconcertante qui donne naissance à une réalité rêvée.

Il travaille en faisant référence à toute l’histoire de la peinture, mêle le tout en utilisant des thèmes récurrents qui font écho à son vécu (paysages,  rivages, canoé…).   Il est peu courant chez un peintre contemporain de sentir tant de références à  Matisse, Gauguin, Munch et parfois même Hopper dans le traitement de la couleur, dans un espace étiré et vibrant d’une histoire qu’on ne fait qu’effleurer. Il s’approprie moultes références pour restituer une réalité qui lui est propre. C'est un étrange équilibre entre abstraction et réel qui est assez surprenant en fait la signature d'un artiste mature.

Les toiles de l’exposition ont été réalisées à Trinidad. L’île des Caraïbes insuffle un esprit singulier : scènes du quotidien, portraits et paysages tropicaux ou évocations oniriques. Les couleurs sont archaïques, tranchées, sauvages. Le temps est suspendu, la moiteur de l’été, la noirceur du crépuscule mourant… Certains tableaux éveillent les sens du spectateur qui aurait connu la touffeur tropicale. La nuit profonde vibre, les éléments comme la mer ou les étoiles ont une présence physique qui se rappelle à nous.


Il y a beaucoup de plaisir à se plonger dans les grandes toiles et en même temps  la force des couleurs nous laissent surpris, charmés et peut-être agacés. Mais pas trop. Doig nous laisse de l’espace pour nous approprier le lieu, la situation. Et évoquer ce qui résonne en nous.

Une exposition à voir.

http://peterdoig.mbam.qc.ca

dimanche 2 mars 2014

UN GEEK AUX POUCES VERTS

Rencontre avec un doux rêveur très terre-à-terre :

Mohamed Hage, président fondateur des Fermes Lufa à Montréal.


Un des privilèges de mon métier est de pouvoir aller à la rencontre des gens fascinants dans toutes sortes de domaines  et d’échanger avec eux.  C’est un avantage qui me fait encore plus chérir ma liberté de consultante indépendante.

Pour bien commencer 2014, en cette première semaine de janvier, alors que tout le monde était encore en congé, quelques vaillants bougres vaquaient dont je faisais partie. J’ai eu le bonheur en ce vendredi ensoleillé et d’un froid polaire (-28C) de rencontrer Mohamed Hage président et fondateur des Fermes Lufa.

C'est avec émerveillement que j'ai visité la première serre commerciale du monde sur le toit d'un immeuble, guidée par l'initiateur du projet en personne. Les Fermes Lufa, entreprise qui se spécialise dans les nouvelles technologies agricoles en zone urbaine, cultivent sans pesticides et en réutilisant l'eau de pluie, une quarantaine de variétés de légumes pour plus de cinq mille foyers !

Le monsieur avait quelques minutes de retard somme toute agréables, car cela m’a permis de sentir l’atmosphère du lieu, chaleureuse et professionnelle.  Et, voilà que je fais la connaissance de ce geek aux pouces verts qui  a eu la vision d’une serre urbaine en zone nordique et  a su incarner cette idée un peu folle. Comment, grâce à la passion et aux outils de la technologie, cultiver des légumes, sans OGM, sans pesticides et à un niveau local ? Combiner production agricole responsable et pratiques écologiques sur toute la ligne !

Deux heures de pur délice, l’homme est charmant et généreux. Il  partage cette aventure intense très enrichissante avec simplicité. Il a une vision claire et ce qui m’impressionne le plus est cette force tranquille qui émane de lui. Il évoque la genèse du projet avec sa passion pour la technologie et sa conscience écologique, les difficultés pour le financement car le public n’a pas embarqué dans le financement, l’engouement des clients et  le succès avec l’ouverture d’une deuxième serre à Laval il y a peu.

Au niveau technologique, plus d’une trentaine d’ingénieurs, architectes, biologistes et informaticiens ont mis leurs expertises en communs pour mettre au point un système d’agriculture en serre ultraperformant. ''Il y a plus de technologie dans mes serres que dans n'importe quelle société informatique, affirme Mohamed Hage. Nous produisons avec deux fois moins d'énergie que les autres serres. Je gère même les insectes sur mon iPad, avec une application qu'on a développée. ''

Ici la recherche d'efficience rejoint aussi leur site internet qui est riche d'informations en même temps que convivial et clair. Vous y retrouverez toutes les informations techniques ou commerciales dont vous auriez besoin. Pour les heureux clients de paniers Lufa, on peut personnaliser sa commande jusqu'à minuit la veille du jour de livraison. On y retrouve une foule de légumes, mais aussi des offres de producteurs et artisans locaux. Les légumes sont cueillis le jour même et je vous assure que si vous goûtez aux tomates Lufa en plein hiver... vous serez renversés. Le goût est fruité, plein de soleil avec une saveur tout à fait addictive !

Cette rencontre fut une manière énergisante d'initier l'année tant pour la professionnelle que pour la citoyenne que je suis. Car si le projet répond à un besoin prégnant, les valeurs qui sous-tendent le projet des Fermes Lufa sont de celles qu'on a envie d'embrasser, comme on embrasse une cause. J'aime à penser qu'il y a de par le vaste monde, beaucoup d'êtres qui, comme Mohamed Hage, font partie de ceux qui changent notre vie pour le mieux, en partageant leur expertise et leur passion au service des autres.
Aux chanceux de Montréal, vous pouvez vous inscrire en tout temps pour recevoir un panier...
Vision globale, action locale.






jeudi 20 février 2014

Philip Seymour Hofmann ou l’insoutenable langueur de l’être.

Se trahir et devoir partir, quitter la scène seul dans un silence assourdissant.

J’ai laissé la poussière se déposer avant de coucher ses quelques modestes mots par respect. Je ne voulais pas faire partie de la cohue, dans le brouhaha qui nous submerge et  peut nous faire perdre le nord.
Il est parti. Sa vie s’est retirée telle la marée après l’étal. Il est parti seul, vraiment seul.

Philip Seymour Hofmann s’est quitté le 2 février dernier. Il est mort loin du pathos, dans une indicible solitude. Effroyable solitude parce que les démons peuvent se nourrir de vous, vous vampiriser mais jamais vous accompagner au sens littéral du terme. Les démons ne peuvent être de bons compagnons, pas  même pour les artistes.

Les éloges n’ont pas tari depuis, c’était un grand acteur.  Homme de théâtre, scénariste, acteur crevant l’écran, il vibrait tellement fort qu’il nous emmenait ailleurs. C’était un vrai acteur qui savait incarner les rôles avec véracité, il habitait ses personnages avec une puissance hors du commun. C’était un grand.
Il crevait l’écran et il a crevé d’une overdose. Non de son puissant jeu, mais bien de ses démons. Cet homme solaire qui nous transportait par la puissance de son jeu avait la propension à nourrir tous les excès. Ses démons étaient de ceux dont on ne revient jamais indemne.

Il n’avait pas de commune mesure, tout était excès chez cet homme. Son talent sidérant ne l’a pas sauvé de ses penchants délétères. Philip Seymour Hoffmann abritait l’ombre et la lumière avec une telle fougue! Et si son jeu nous a maintes fois donné à découvrir la fulgurance de sa vulnérabilité, nous étions rassérénés par l’éclat de la force intérieure qui émanait de lui en même temps. Le funambule a chuté. Cette dissonance faisait tellement partie de lui que d’aucuns assurent que c’était l’essence même de son talent.

Son art avait quelque chose de troublant car il nous émouvait. Bien au-delà de la vacuité du star système, ses failles résonnaient en nous.  Ses fêlures et ses possibles comme exutoires à nos peurs. Cette proximité pouvait même être troublante. On pouvait le trouver lourd et solaire, digne et désespéré, pathétique et majestueux, magnifique et dégoûtant tout à la fois.  Au fond, il exhalait notre humanité. C’est pour cela, qu’au-delà du talent, par la profondeur et véracité de son partage, c’est l'immense fragilité de notre condition humaine que nous pouvions entrevoir avec acuité à travers lui. C’est  pour cela qu’il nous touchait si subtilement.

Quand j’ai appris sa mort, aussi étrange que cela puisse paraître, pendant quelques jours j’ai été ébranlée. Il avait le même âge que moi et j’ai suivi sa carrière avec attention. Il faisait partie de mes repères culturels, des artistes qui m’ont touchée comme beaucoup d'autres. 


Un grand est parti misérable dans une effroyable solitude. Je voudrais garder de lui le magnifique.
Paix a son âme.
Désolée impossible de trouver le crédit pour cette photo !

dimanche 26 janvier 2014

Évidence maritime

Merci de lire le premier post de ce blogue, premier pas dans le vaste monde des lettres virtuelles où le clavier sera l'intermédiaire pour partager ces petits riens qui me viennent de vous comme aurait dit Serge.  J'aime à penser que les rencontres peuvent changer la vie, le partage enrichir notre vision et le voyage nous arracher aux scories de notre limitante bêtise et en nous offrant l'essence même du pourquoi, la rencontre. L'Autre est celui-là même grâce à qui nous allons pouvoir aller un peu plus loin...

Pourquoi Cécile à la plage ? La simplicité peut être déconcertante et un tantinet désuète... J'aime être à la mer plus que tout. En hiver, au printemps, en été et en automne. Je raffole de cette énergie intrépide et farouche que déploient les vagues pour accomplir leur mission encore et toujours. Les marées me subjuguent par leur fidélité à mère Nature, respectant forces cosmiques et rythmes terrestres à la seconde près. Ce cercle vertueux me rassure. L'air marin m’enivre d'une manière si légère et délicieuse que le plus beau cadeau demeure pour moi quelques heures maritimes... Bref, vous aurez compris, le titre s'imposait comme une évidence océane.