lundi 23 novembre 2015

Lettre d’amour au Québec d’un immortel bienveillant et lucide

Tout ce que l'on ne te dira pas, Mongo de Dany Laferrière

En ces temps troublés où les migrations internationales, le Sud et le Nord, le racisme et la place que l’on fait à l’autre sont des sujets brûlants, Dany Laferrière nous parle de l'immigration concrètement, le quotidien de l'immigré dans tous ces infimes fragments qui constituent la réalité sociale du Québec.

Il nous offre une conversation joyeuse, mais au combien grave, sur les us et coutumes au Québec fruit de son expérience.  Il s’agit d’un dialogue avec un jeune africain fraîchement arrivé qui fait écho au jeune-homme qu’était l’écrivain quarante ans en arrière et les  chroniques faites à Radio-Canada. 

Il s’agit d’entrelacs complexes dont Dany Laferrière brouille les pistes à dessein, nous obligeant à suivre son rythme. Ralentir pour mieux rentrer dans le détail qui révèle un autre univers… Celui de la rencontre de l'autre.

Mélange des genres ô combien délicieux qui nous offre une perspective tendre et lucide, comme si Dany nous partageait des bribes de sa vie qui nous aideraient, nous, à mieux appréhender ce Québec qu’on aime d’amour, d’un amour parfois vache faute de le comprendre de l’intérieur.

Ces petits riens

Par petites touches successives, il nous brosse un portrait de ce Québec complexe abordant tous les sujets si mystérieux pour qui vient d’arriver en terre inconnue.  Joignant le geste à la parole, il nous prend par la main pour nous faire découvrir ‘ces petits riens, que j’ai mis bout à bout’ comme disait Gainsbourg. Ces petits riens qui font la couleur unique d’une société, un commun partagé, des valeurs reconnues même si implicites, justement un peu trop implicites pour les néo-Québécois…


Ce livre nous permet de démythifier des sujets cruciaux,  la partie immergée de l’iceberg interculturel qui fait l’âme même d’un peuple.  Du plus frivole en apparence, comme les saisons ou l’humour, il nous  entretient aussi de l’amitié, du racisme, des régions ou du rapport au consensus, des autochtones, des mythes et de la neige, mais aussi de la langue ou de la politique. C’est comme une carte du modus operandi du Québec pour faire un voyage plus serein, sans se fourvoyer complètement et en ayant une vision plus riche. Grâce à ces jalons, le lecteur sera plus à même de se situer pour retrouver son chemin.

L'Interculturel de chacun

Entre racines et poutine, silence et regards, générosité et enracinement historique,  Dany Laferrière nous invite dans l’ici et maintenant. Parce que le Québec est une terre d’immigration, le savoir-être interculturel est de mise. Ne vous méprenez pas, malgré le fait que le livre ait des allures de petite traité interculturel à l'usage des nouveaux arrivants, il touche l'universel. Il s'adresse tout autant au lecteur québécois en mettant en lumière avec beaucoup de douceur et parfois un zeste d'acidité, le Québec tel qu'en lui-même. On y parle d'un ''nous'' comme d'un projet de vie complexe à réaliser. Les enjeux de chacun sont parfois divergents et la rencontre de ces ailleurs est un défi tout autant qu'un potentiel pour le Québec de demain. On y parle du regard de celui qui était là avant, avant vous et de celui qui arrive. De l'espace à embrasser pour apprivoiser l'autre et construire cette nouvelle réalité au pluriel.

Une référence à partager 

Même avant cette lecture, je n'étais pas impartiale loin de là. J'avoue, j'aime la prose de Dany Laferrière. Je l'aime d'amour car elle m'a touchée au coeur dès les premiers mots, légers et denses. Et si L'énigme du retour demeure mon livre préféré de lui, Tout ce que l'on ne te dira pas, Mongo à n'en pas douter, deviendra une référence du savoir-vivre interculturel, du savoir-être ensemble au Québec.

Tout ce que l'on ne te dira pas, Mongo. Dany Laferrière.