mardi 29 avril 2014

PETER DOIG : NULLE TERRE ÉTRANGÈRE



''Il n'y a pas de terres étrangères. Seul le voyageur est étranger.'' 
Robert Louis Stevenson (1858-1894) écrivain écossais.

Attention, il ne vous reste que quelques jours pour découvrir au Musée des beaux arts de Montréal ce grand peintre contemporain. Voici la première exposition d’envergure qui lui est consacrée en Amérique du Nord !

Après Édimbourg, ville où le peintre est né, c’est maintenant au tour de Montréal, où il a grandi et où il est revenu vivre quelques années au début de sa vie adulte, de recevoir cette riche exposition. Écossais, Peter Doig a grandi à Trinidad et au Canada, ce qui lui a donné une approche toute particulière des couleurs et de la lumière puissante qui se reflète à travers son travail.

Au-delà de la mode, de l’engouement  frénétique  du marché de l’art pour ses œuvres avec  des prix faramineux qui  ont peu rapport avec  la peinture elle-même, Peter  Doig demeure un peintre contemporain de grande envergure.

L’exposition commence avec de grands formats pour se poursuivre avec des études plus resserrées. Ce choix artistique permet au visiteur de vivre une évolution, du choc des toiles immenses, ce qui permet de se laisser immerger par les couleurs intenses, puis de retrouver la même empreinte dans des œuvres de petites dimensions sans pour autant perdre de puissance. Ses toiles sont habitée de lumière. 

Les paysages sont noyés dans la nuit ou dans des halos de lumière. On peut y sentir le bruissement de la nuit tropicale ou l'accablante chaleur des tropiques à midi. Les toiles évoquent des réminiscences, des histoires en suspens, des souvenirs enfouis, en demie teinte. Il me semble un peu déconcertant de savoir qu'il peint souvent à partir de photos, qu'il parte ainsi d'une réalité dont il sait ensuite néanmoins si bien s'éloigner pour nous en restituer toute la puissance si personnelle.

Peintre figuratif, il s’affranchit de cet aspect qui pourrait être limitante par une approche abstraite toute à fait déconcertante qui donne naissance à une réalité rêvée.

Il travaille en faisant référence à toute l’histoire de la peinture, mêle le tout en utilisant des thèmes récurrents qui font écho à son vécu (paysages,  rivages, canoé…).   Il est peu courant chez un peintre contemporain de sentir tant de références à  Matisse, Gauguin, Munch et parfois même Hopper dans le traitement de la couleur, dans un espace étiré et vibrant d’une histoire qu’on ne fait qu’effleurer. Il s’approprie moultes références pour restituer une réalité qui lui est propre. C'est un étrange équilibre entre abstraction et réel qui est assez surprenant en fait la signature d'un artiste mature.

Les toiles de l’exposition ont été réalisées à Trinidad. L’île des Caraïbes insuffle un esprit singulier : scènes du quotidien, portraits et paysages tropicaux ou évocations oniriques. Les couleurs sont archaïques, tranchées, sauvages. Le temps est suspendu, la moiteur de l’été, la noirceur du crépuscule mourant… Certains tableaux éveillent les sens du spectateur qui aurait connu la touffeur tropicale. La nuit profonde vibre, les éléments comme la mer ou les étoiles ont une présence physique qui se rappelle à nous.


Il y a beaucoup de plaisir à se plonger dans les grandes toiles et en même temps  la force des couleurs nous laissent surpris, charmés et peut-être agacés. Mais pas trop. Doig nous laisse de l’espace pour nous approprier le lieu, la situation. Et évoquer ce qui résonne en nous.

Une exposition à voir.

http://peterdoig.mbam.qc.ca